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Un canular désopilant du physicien Alan Sokal*

Martin Gardner

Cahier rationaliste n° 515


Les éditeurs de Social Text, une importante revue d'études culturelles, se sont révélés d'une incroyable légèreté. Dans leur édition du printemps/été 1996, ils ont publié un article intitulé : " Transgresser les frontières : vers une transformation herméneutique de la gravité quantique " et signé d'Alan Sokal, physicien à l'université de New York. Ce papier est accompagné de treize impressionnantes pages de notes et neuf pages de références.

En quoi les éditeurs ont-ils manqué de sérieux ? C'est que le papier de Sokal était une mystification délibérée, un charabia si évident que n'importe quel étudiant en physique l'aurait immédiatement identifié comme une amusante plaisanterie. Les éditeurs ont-ils pris la peine d'une vérification auprès d'un autre physicien ? Nullement. Pour ajouter à leur embarras, au moment même où ils publiaient la mystification, l'édition de mai/juin 1996 de Lingua Franca publiait un nouvel article de Sokal dans lequel était révélé le pot aux roses et où l'auteur expliquait ses motivations.

Sokal débute sa parodie par une virulente attaque contre la croyance en l'existence d'un " monde extérieur où les propriétés seraient indépendantes de tout individu humain et même de l'humanité tout entière ". La science, poursuit-il, est incapable d'établir d'authentiques connaissances, ou même des approximations, en utilisant la méthode dite " scientifique ".

" La réalité physique [...] est, en fin de compte, une construction linguistique et sociale ", ajoute Sokal dans le paragraphe suivant. Dans sa confession de Lingua Franca, il commente : " Attention, pas ma théorie de la réalité physique, mais la réalité elle-même. Tous ceux qui pensent que les lois de la physique sont de simples constructions sociales sont invités à venir les transgresser depuis la fenêtre de mon appartement (j'habite au 21e étage). "

Voici quelques autres absurdités défendues dans la magistrale mystification de Sokal :

o Les champs morphogénétiques de Rupert Sheldrake sont la pierre angulaire de la mécanique quantique (à propos des fantaisies parapsychologiques de Rupert Sheldrake, on se reportera à mon livre, The New Age, chapitre 15, publié par Prometheus Books en 1991).

o Les spéculations freudiennes de Jacques Lacan ont été confirmées par la théorie quantique.

o L'axiome selon lequel deux ensembles sont identiques s'ils ont les mêmes éléments est un produit du " libéralisme du XIXe siècle ".

o La théorie de la gravitation quantique a d'énormes implications politiques.

o La relativité générale vient à l'appui des doctrines déconstructionnistes de Jacques Derrida, les vues de Lacan sont renforcées par la topologie et les opinions de la philosophe féministe française, Luce Irigaray, sont intimement liées à la gravitation quantique. La partie la plus amusante du papier de Sokal est sa conclusion selon laquelle la science doit s'émanciper des mathématiques classiques avant de pouvoir devenir " l'outil d'une praxis politique progressiste ". Ainsi, les constantes mathématiques ne sont que des constructions sociales. Même le nombre pi n'est pas un nombre fixe mais une variable culturellement déterminée !

J'espère qu'aucun lecteur ne cherchera à défendre ceci en faisant remarquer que pi peut prendre différentes valeurs selon la numération (décimale, binaire…) retenue. Dire que la numération modifie pi est comme dire que 3 a une valeur différente en allemand parce qu'il se dit drei.

Pi est très précisément défini à l'intérieur du système formel de la géométrie euclidienne et possède la même valeur à l'intérieur du Soleil ou sur une planète dans la galaxie d'Andromède. Le fait qu'un espace temps soit non-euclidien n'a pas le moindre effet sur pi. Un membre d'une tribu africaine peut penser que pi est égal à 3, mais il s'agit ici non pas de mathématiques pures mais de mathématiques appliquées. Cette confusion entre la certitude des mathématiques à l'intérieur d'un système formel et l'incertitude de ses applications dans la réalité est une erreur classique souvent faite par des sociologues ignorants.

Les journaux se sont bien amusés du canular de Sokal. " Quand l'ironie s'attaque au nombre Pi " 1 titrait Edward Rothstein dans le New York Times du 26 mai 1996. Janny Scott évoque " la gravité post-moderne malicieusement déconstruite " 2 en première page du New York Times du 18 mai 1996. Roger Kimball parle dans le Wall Street Journal d'une " douloureuse piqûre dans la ruche académique ". Dans sa chronique, George Will fait des gorges chaudes de la duperie de Sokal et prédit que la revue Social Text ne pourra plus jamais être qualifiée de revue savante 3.

On le comprend, les éditeurs de Social Text ont été furieux. Stanley Aronowitz, co-fondateur du journal est un sociologue marxiste. Il qualifiera Sokal d'" illettré sans éducation ". Andrew Ross, également homme de gauche et éditeur responsable des numéros spéciaux de la revue, déclarera que lui, ainsi que les autres éditeurs, avaient trouvé l'article de Sokal " un peu loufoque " et " bêtement prétentieux ". Mais alors, pourquoi l'avoir publié ? Tout simplement parce qu'après vérification, Sokal présentait tous les gages de notoriété scientifique.

La plus virulente attaque vint cependant de Stanley Fish, professeur d'anglais à Duke University et directeur général des presses de l'université qui publient Social Text. Fish a longtemps été sous l'influence du déconstructionnisme, un obscur mouvement, vite déclinant qui prit la place de l'existentialisme comme nouvelle philosophie française à la mode. Dans le New York Times du 21 mai l996 et sous le titre " La mauvaise blague du professeur Sokal ", Fish a vigoureusement rejeté l'idée selon laquelle, pour les sociologues des sciences, il n'existerait pas un monde extérieur indépendant des observations. Et d'ajouter que seul un sot pourrait penser ainsi. Pour Fish les sociologues soutiennent seulement que ce que les observateurs disent sur le monde réel est relatif à leurs capacités, leur éducation, leur formation etc. Ce n'est pas le monde ou ses propriétés qui sont socialement construits, mais le vocabulaire et les termes par lesquels nous connaissons ce monde.

En langage clair, Fish nous explique que, bien sûr, il existe un monde structuré " en dehors de nous ", avec des propriétés objectives, mais que la manière dont les scientifiques décrivent ces propriétés est culturelle. Quoi de plus banal ? La manière dont les scientifiques parlent relève évidemment de la culture. Tout ce que les hommes font et disent fait partie de la culture.

Ayant admis qu'il existe un large univers en dehors de nous, indépendant de nos petits esprits et qui n'est pas une de nos constructions, Fish tente alors d'introduire la confusion entre vérité scientifique et langage en comparant la science au base-ball ! Après avoir concédé que le base-ball implique des faits objectifs tels que la distance du lanceur à la base, il demande : " Existe-t-il des points contre son camp dans la nature (si par nature vous entendez une réalité physique indépendante des acteurs humains) ? " La réponse de Fish est non. Les points contre son camp sont des constructions sociales.

Examinons ceci plus en détail. La manière dont les points contre son camp sont définis est évidemment culturelle, les chimpanzés et les Anglais (la plupart) ne jouent pas au base-ball. Tout comme les règles du bridge ou des échecs, les règles du base-ball ne font pas partie de la nature. Qui peut le contester ? De même, Fish reconnaît que les balles lancées sont " en dehors " quand elles parcourent une trajectoire spécifique pour être déclarées points contre son camp par un arbitre. Même l'arbitre n'est pas nécessaire. Une caméra connectée à un ordinateur peut tout aussi bien faire l'affaire. La base des décisions reste culturelle bien que la trajectoire des balles et le fait qu'elles tombent d'un côté ou de l'autre d'un périmètre autour de la base est tout autant une partie de la nature que la comète qui heurte Jupiter.

La vraie question derrière toutes ces banalités est de savoir si les règles du base-ball sont de la même nature que les lois physiques ou si au contraire, elles sont radicalement différentes. Clairement, elles sont radicalement différentes. Tout comme les règles du jeu d'échec, ou du bridge, les règles du base-ball ont été élaborées par les hommes. Mais ce n'est pas le cas des lois scientifiques. Celles-ci sont découvertes par des observations, un raisonnement et des expériences. Newton n'a pas inventé ses lois de la gravitation, excepté dans le sens trivial qu'il les a pensées et les a écrites. De même, les biologistes n'ont pas " construit " l'hélice d'ADN, ils l'ont observée. L'orbite de Mars n'est pas une construction sociale et Einstein n'a pas établi E = mc2 à la manière dont les règles d'un jeu sont établies. Voir les lois physiques comme étant comparables aux règles du base-ball, au code de la route ou encore à la mode vestimentaire, c'est faire une fausse analogie qui ne conduit nulle part. Il va sans dire que les sociologues ne sont pas stupides au point de rejeter l'existence d'un monde extérieur, tout comme les scientifiques ne sont pas stupides au point de ne pas voir l'influence de la culture dans les sciences. Ainsi, il est reconnu que la culture peut déterminer pour une bonne part quel type de recherches doivent être conduites. Et, en effet, il existe des modes en science. La dernière mode en physique des particules est la théorie des supercordes. Il se passera peut-être des décennies avant que des expériences, impossibles aujourd'hui, puissent dire si cette théorie a été fertile ou stérile. Mais le fait que la science se rapproche inexorablement de la découverte de vérités objectives ne peut être contesté que par des philosophes bien particuliers, des critiques littéraires naïfs et des chercheurs en sciences sociales bien mal orientés. Les fantastiques succès de la science dans ses explications et ses prédictions et, en particulier, dans ses développements technologiques, sont la preuve que les scientifiques en apprennent sans cesse davantage sur le comment du fonctionnement universel.

Les affirmations de la science sont réparties dans un continuum allant de la probabilité 1 (vrai avec certitude) à la probabilité 0 (certainement faux), mais des milliers de découvertes ont été confirmées avec un degré de certitude de 0,999... Quand les théories sont vérifiées à ce point, elles deviennent des " faits ", comme par exemple le fait que la Terre est ronde et tourne autour du Soleil, ou encore que la vie a commencé à évoluer sur notre planète il y a plus d'un million d'années.

Cette affirmation curieuse selon laquelle " vérité " ne signifie pas " correspondance avec la réalité " a reçu un coup fatal d'Alfred Tarski avec sa fameuse définition sémantique de la vérité : " La neige est blanche " est vrai si et seulement si la neige est blanche. Cette définition renvoie à Aristote. La plupart des philosophes du passé, tous les scientifiques et tous les gens ordinaires acceptent cette définition de ce qu'ils entendent quand ils disent que quelque chose est vrai. Ce n'est contesté que par une toute petite minorité de pragmatistes qui empruntent encore à l'obsolète épistémologie de John Dewey.

Ceux qui voient la science comme une mythologie plutôt que comme la recherche toujours plus proche d'une vérité objective ont été désignés sous le terme assez général de " post-modernes ". Ceci inclut les déconstructionnistes français, des marxistes démodés, quelques féministes en colère et certains militants de la cause noire qui pensent que l'histoire des sciences a été gravement déformée par le machisme et le chauvinisme blancs. Pourquoi les hommes ont-ils commencé par étudier la mécanique des solides avant de s'intéresser à la mécanique des fluides ? C'est difficile à croire, mais il existe une féministe radicale pour expliquer que c'est parce que les organes sexuels masculins deviennent rigides, alors que le fluide suggère les règles du cycle menstruel et les sécrétions vaginales !

Un livre de Bruce Gregory nous donne un exemple typique d'antiréalisme post-moderne. Le titre dit tout : " Inventer la réalité : la physique comme un langage ". On se reportera à ma chronique dans le Skeptical Inquirer de l'été 1990 : " Le relativisme en science " pour un compte rendu de ce livre bien particulier. Pour une charge plus féroce contre ces foutaises, je recommande vivement la lecture de Einstein, History, an Other Passions : The Rebellion Against Science at the End of the Twentieth Century (Addison Wesley, 1996) écrit par Gérard Holton, distingué physicien et historien des sciences à Harvard.

Beaucoup des errements post-modernes trouvent leur origine dans le célèbre livre de Thomas Kuhn La structure des révolutions scientifiques. Kuhn, très pragmatique, voyait l'histoire des sciences comme une série de changements de " paradigmes ". Le dernier

chapitre de son livre contient cette incroyable affirmation : " Pour être plus précis, disons que nous devrons peut-être abandonner la notion explicite ou implicite, selon laquelle les changements de paradigmes amènent les scientifiques, et ceux qui s'instruisent auprès d'eux, de plus en plus près de la vérité 4. " Comme si Copernic n'en était pas plus près que Ptolémée ou Einstein plus près que Newton, ou encore la théorie quantique plus près que les théories précédentes sur la matière ! Il suffit d'un simple coup d'œil sur un poste de télévision en marche pour voir l'absurdité de la remarque de Kuhn.

Fish et ses amis ne sont pas aussi extrémistes dans leur rejet de la vérité objective. Là où ils sont dans l'erreur, c'est quand ils surestiment (et dans un style complètement obscur) l'influence de la culture sur la science. L'examen des interactions entre les différentes cultures et l'histoire des sciences pourrait sans doute conduire à des nouvelles idées intéressantes. En fait, tout, ou presque, a été dit sur le sujet par Karl Mannheim et d'autres sociologues de la connaissance. En attendant, il serait agréable que les post-modernes apprennent à s'exprimer clairement. Les scientifiques et la population en général s'expriment dans un langage qui décrit un monde extérieur fait de structures et de lois indépendantes de nous. Le langage de la science fait nettement la distinction entre langage et science. Le langage des sociologues des sciences brouille complètement cette distinction de bon sens.

On croirait presque que Fish 5 cherche à ébahir tout le monde en déclarant que les poissons ne font pas partie de la nature et ne sont que constructions culturelles. Pressé de clarifier de telles bizarreries, il préciserait qu'il ne fait pas allusion à de " vrais " poissons dans de la vraie eau, mais simplement au mot " poisson ". Fondamentalement, il se peut que les scientifiques et les sociologues ne soient pas en désaccord. Mais il faut toutefois admettre que les sociologues et les post-modernes parlent d'une étrange et amusante façon. Tellement étrange que lorsque Sokal s'est exprimé encore plus bizarrement qu'eux dans un de leurs journaux, ils ont été incapables de s'apercevoir qu'ils s'étaient faits avoir.

Après que les lignes qui précèdent ont été écrites, la revue Lingua Franca, dans son édition de juillet/août 1996, a publié un article de Bruce Robbins et Andrew Ross, co-éditeurs de Social Text dans lequel ils font de leur mieux pour expliquer la parution de l'énorme farce de Sokal. Mais toutes leurs justifications oublient la principale raison : leur ignorance totale de la physique ! Dans une amusante réponse, Sokal explique : " Mon but n'est pas de défendre la science face aux hordes barbares de la "critique littéraire" (nous survivrons, merci), mais de défendre la Gauche contre certains de ses propres courants. "


*(Skeptical Inquirer, vol. 20.6,1996). Traduit de l'anglais. Retour texte


1. " When Wry Hits Your Pi from a Real Sneaky Guy "

2. " Postmodern Gravity Deconstructed, Slyly "

3. Le débat a maintenant traversé l'Atlantique. Libération puis le Monde ont consacré articles et courriers de lecteurs à cette affaire.

4. T. S. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques. Champs Flammarion, p. 232.

5. Fish = poisson.


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