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Le commerce équitable :
néocolonialisme ou perspective de
développement? 10/05/2005
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 La quinzaine du commerce
équitable a lieu en France du 30 avril au 15 mai
2005. Pour cette 5ième édition, l’Afrique est
représenté par deux producteurs (Joseph Marie
Ngaleko BARANGA (café) et Soloba MADY KEITA
(Coton)). En compagnie des autres producteurs sud
américains pour la plus part, ils sillonnent la
France pour prêcher la bonne parole du commerce
équitable. On peut donc se demander si le commerce
équitable profite aux pays du Sud en général et
plus particulièrement en Afrique.
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Par Thierry Téné
Mangoua |
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Situation des pays du Sud |
 Comme nous le savons tous, les trois-quart des
pays du Sud (surtout les pays africains) ont une économie
basée sur l’exportation des matières premières (pétrole, bois,
café, coton, riz, thé, banane, cacao,…etc.). Mais depuis
quelques années, le cours de ces derniers ne cessent de
décroître en bourse à cause de la surproduction. Exception
doit être faite pour le pétrole dont le prix du baril ne cesse
de croître si bien que beaucoup de spécialistes parlent d’un
nouveau choc pétrolier. Mais ce dernier pose un autre problème
et pour bien comprendre, il suffit de superposer une carte des
zones de conflit dans le monde avec celle des régions riches
en pétrole. Quand on sait également que sur les 800 millions
de personnes qui souffrent de faim dans le monde, la majorité
sont des petits producteurs qui habitent en Afrique, en Asie
et en Amérique du Sud. Tout âme sensible ne peut rester
indifférent. Surtout que toutes les 4 secondes environ, une
enfant meurt de faim dans le monde.
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Historique du Commerce équitable
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 Le commerce équitable est né à l’initiative des
ONG (Organisations Non Gouvernementales) attachées aux
principes d’autogestion et solidaire avec les populations du
Tiers Monde. Certaines se revendiquent aujourd’hui du
mouvement altermondialiste. D’après Artisans du Monde (ADM),
les Américains seraient les premiers avec Thousand Villages et
SERRV à se lancer dans le commerce équitable. L’Europe faisant
ses premiers pas à la fin des années 1950 avec Oxfam qui
commercialise les produits fabriqués par les réfugiés chinois
et crée en 1960 la première Organisation du Commerce
Alternatif (ATO). La vente des produits s’effectue dans les «
Magasins du Monde ». Ces derniers proposent des produits
alimentaires et artisanaux fabriqués dans les pays du Sud. A
Genève, lors d’une réunion de la CNUCED (Conférence des
Nations Unies pour le Commerce et le Développement), naissance
du slogan Trade, not aid « Du commerce, pas de l’aide ».
En 1974, De retour du Pakistan Orientale après la guerre
civile de 1970 qui a vu la création du Bengladesh, l’abbé
Pierre ouvre la première boutique Artisans du Monde dans le
Sud de la France. En 1984, création de la S.A.R.L Fam Import
(devenue S.A Solidar’Monde en 1994) qui est une structure
d’importation et de distribution de produits issus du commerce
équitable en France. C’est en 1988 que Max Havelaar, le
premier label de commerce équitable est créé aux Pays Bas. Max
Havelaar France (MHF) est créé en 1992 et la Plate-forme
française du commerce équitable qui réunit l’ensemble des
acteurs du commerce équitable naît en 1997.
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Quelques chiffres : |
 Avec environ 840 millions d’habitants, l’Afrique
représente environ 2 % dans les échanges commerciaux mondiaux.
D’après le journal la Tribune du lundi 21 juin 2004, le
commerce équitable aurait généré un chiffre d’affaires
d’environ 700 millions de dollars en 2003. La part du commerce
équitable dans les échanges mondiaux est estimé à environ 0,01
%. Près de 5 millions de personnes vivent du commerce
équitable dans le monde. Le commerce équitable représente
environ 0,1 % du commerce européen. D’après Max Havelaar, le
chiffre d’affaires du commerce équitable en France est passé
de 6 millions d'euros en l'an 2000, 12 millions en 2001, 22
millions en 2002 pour atteindre 32 millions en 2003. Il est
estimé aujourd’hui entre 35 et 40 millions d’euros. La
centrale d'importation et de distribution Solidar'Monde
distribue 1200 références en artisanat et 120 produits
alimentaires (avec 700 nouveautés par an), issus de 121
groupements de producteurs présents dans 42 pays environ.
Artisans du Monde possède environ 140 magasins et 17 boutiques
associées en France, gérés par 4500 bénévoles et 50 salariés
pour un chiffre d’affaires d’environ 7,3 millions d'euros.
La Suisse étant le pays où on consomme le plus
équitable en Europe, il semble intéressant d’y apporter une
attention particulière. Coop et Migros sont les plus grosses
enseignes de supermarché en Suisse. D’après la Tribune, Migros
a enregistré en 2003 une progression de 13 % de son chiffre
d’affaires réalisé dans le commerce équitable (33,5 millions
d’euros). Quant à Coop, son chiffre d’affaire réalisé grâce à
ce type de commerce a augmenté de 44 %, à 47,8 millions
d’euros. Ces deux enseignes assurent donc près du quart du
chiffre d’affaires de détail mondial des produits portant le
label Max Havelaar.
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Définition et critères du
commerce équitable |
 D’après Fine (organisme composé de quatre
fédérations internationales du commerce équitable), « le
commerce équitable est un partenariat commercial basé sur le
dialogue, la transparence et le respect, qui vise à plus
d’équité dans le commerce international. Le commerce équitable
contribue au développement durable en proposant de meilleurs
conditions commerciales aux producteurs marginalisés dans le
Sud, en sécurisant leurs droits. Les acteurs du commerce
équitable, soutenus par de nombreux consommateurs s’engagent à
appuyer activement les producteurs, à sensibiliser le public
et à se mobiliser pour des changements dans les règles et la
pratique du commerce international conventionnel. » De
cette définition, on comprend que le commerce équitable ne
concerne que les petits producteurs du Sud. On peut
également discuter les mots : dialogue, transparence, respect
et équité. Ces derniers ne sont pas compatible avec la notion
de commerce et oblige le producteur à respecter un cahier de
charge définit par l’acheteur. Même si on peut se féliciter de
la sécurisation des droits des pays des producteurs
marginalisés des pays du Sud, une réflexion peut également
être portée sur le protecteur : qui est il ? par qui a t il
été missionné ? quels sont ses réelles motivations ? les
producteurs du Sud revendiquent ils les mêmes droits
?
On l’a donc compris la définition du commerce
équitable semble trop théorique. Dans son livre « Le
commerce équitable Pour une consommation respectueuse des
Droits de l’Homme et de l’environnement », la journaliste
Katel Pouliquen rajoute « Pour parvenir à cet
objectif, il faut réduire, dans la mesure du possible, le
nombre d’intermédiaires entre producteurs-vendeurs et
acheteurs finaux. Il convient aussi de valoriser les
potentiels locaux des producteurs : ceux-ci sont invités à
utiliser la matière première naturelle disponible ou à
cultiver selon leur savoir-faire traditionnel. Ils doivent
tendre à l’autonomie. Pour cela, ils sont incités à
diversifier leurs productions et leurs et leurs débouchés, au
contraire des pratiques actuelles qui ont pour effet de
modeler les agricultures du Sud en fonction des besoins réels
ou supposés, des consommateurs du Nord. » Avec cette
précision, on comprend vite que le producteur du Sud n’a pas
trop de choix car les règles sont déjà définis. Ceci nous
contraint à regarder de plus près les critères du commerce
équitable (Ces derniers sont également tirés du livre
sus-cité).
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1) Des critères économiques : de meilleurs prix,
de nouveaux marchés « Un prix d’achat garanti, le
plus souvent supérieur aux cours mondiaux, est déterminé, les
récoltes sont préfinancées, et des contrats de partenariat
durable, à plus ou moins long terme, sont signés. Sans cette
assurance, il n’existe pas d’échange dans la dignité. Les
produits sont payés à un prix ‘équitable’ couvrant au minimum
les coûts de production et permettant la mise en œuvre de
programmes collectifs à dimension sociale ou économique.
»
2) Des critères sociaux : le respect des droits
de l’homme
«Les coopératives sont des
organisations participatives respectueuses de la liberté
d’expression et de l’avis de chacun, sans discrimination
aucune. Cela se traduit par une prise de décision démocratique
ou, dans une entreprise, par la négociation entre patronat et
syndicats. Le travail des enfants ne peut être toléré que dans
une période transitoire ou dans le cadre d’un programme de
scolarisation ou de formation professionnelle, sinon, il doit
être éliminé. Les droits sociaux – salaire minimum, droits
syndicaux, congés, normes de sécurité – doivent être
respectés, et l’égalité hommes-femmes être la règle, tout
comme la juste rétribution des travailleurs. Les travailleurs
doivent avoir accès aux soins ; les bénéfices, s’il y en a,
sont utilisés pour créer des équipements collectifs,
sanitaires ou éducatifs. »
3) Des critères environnementaux
«
Le respect des écosystèmes spécifiques, la conservation et
l’utilisation raisonnable des ressources naturelles, telles
sont les règles du commerce équitable en matière
d’environnement. Concrètement, les coopératives doivent
diminuer, voire abandonner, l’utilisation d’engrais chimiques
et de pesticides de synthèse, maintenir et améliorer la
fertilité des sols en favorisant la polyculture, lutter contre
l’érosion des sols par la reforestation, préserver les
ressources en eau. En outre, elles sont encouragées à
développer la culture biologique »
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Les limites du commerce
équitable |
 Dans le journal 20 Minutes du 29 avril
2005, on peut lire : le commerce équitable « Ce n’est pas de
la charité, se défend Soloba Mady Keita, un producteur
de coton malien labellisé Max Havelaar. Nous travaillons dur
et élaborons un produit de très bonne qualité pour lequel nous
recevons une rémunération juste ». Ce prix « juste » a t il
été défini par notre producteur. Il est plus facile de parler
ainsi quand on a un séjour tout frais payé en France. Qui à sa
place ferait le contraire ? Dans les chiffres cités plus haut,
on peut remarquer que ces millions d’euros ne retournent pas
dans les pays du Sud. Une contrainte est aussi le fait que les
producteurs qui souhaitent être labellisés n’ont vraiment pas
de marge de manœuvre. Il y a déjà un cahier de charge à
respecter.
De plus, la majorité des produits du
commerce équitable sont destinés à l’exportation. On retombe
donc dans le cas où les productions du Sud sont fonction de la
demande du Nord. Le commerce équitable n’envisage pas non plus
la transformation des produits sur place. Il crée donc plus
d’emplois et de richesses dans les pays du Nord qui refuse de
baisser leurs taxes douanières. Pourtant ZOA Dieudonné dans
son livre Renaissance panafricaine des peuples nègres cite une
étude intéressante : « Selon l’organisation britannique
OXFAM, les recettes des exportations pour l’ensemble des pays
du tiers-monde pourraient augmenter de 700 milliards de
dollars par an si les pays riches ouvraient leurs marchés.
L’on estime que cette somme représente environ 12 % du PIB
(Produit Intérieur Brut) des pays en développement et à peu
près dix fois le montant de ce qu’ils reçoivent sous forme
d’aide. Cette somme pourrait bien générer la croissance, les
emplois et l’investissement nécessaires pour faire reculer la
pauvreté dans nos contrées. »
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 On peut même se demander pourquoi les produits du
Sud ont ils besoin d’un label des occidentaux pour rentrer sur
leurs marchés ? A quand un commerce équitable du pétrole, du
bois, de minerai et autres ressources du sol et du sous-sol
africain ? Les grandes surfaces en Europe s’engagent pour le
commerce équitable pour avoir bonne image d’autant plus qu’une
majorité de consommateurs européens sont à la recherche
d’éthique et de bonne conscience. Le commerce équitable veut
éliminer le plus grand nombre d’intermédiaire entre le
producteur et le consommateur. Ces intermédiaires africains et
sud américains sont ils remplacés par ceux du Nord ? Les
entreprises et agriculteurs occidentaux ont ils besoin de
label pour exporter leur produits en Afrique ? Pourtant nous
savons que ce dumping crucifie les paysans du Sud. A imaginer
que les produits du commerce équitable soient vraiment un
moyen de développement. Le jour ils deviendront compétitifs
que feront les Européens si leur marché est menacé. Je vous
renvoie au débat qui a lieu en ce moment sur le textile
chinois. Certaines PME et ONG reçoivent des subventions du
Ministère des Affaires Etrangères Français et de la Commission
Européen. On peut donc imaginer que le commerce équitable
répond à une nouvelle politique impérialiste qui a changer de
forme mais surtout pas de fond. Pendant ce temps que font les
ONG ou associations de la diaspora africaine ?
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Mais où sont les africains ?
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 Pendant la préparation de cet article, nous avons
eu échos d’une rencontre sur le thème "Comment les migrants
peuvent-ils utiliser ou adapter les outils du commerce
équitable en vue d’aider au développement de leur pays
d’origine ?" organisée par la FAFRAD (Fédération des
Associations Franco-Africaines de Développement) le samedi 19
février 2005 en région parisienne. Nous les avons contacté par
mail et n’avons pas encore eu de retour. A part cette
initiative, les africains semblent ne pas être très intéressés
par le commerce équitable. Lors des conférences débats ou
rencontres sur le commerce équitable, il n’est pas très
évident de rencontrer des africains. Faites également un tour
dans les bibliothèques pour chercher combien d’auteurs
africains ont fait des travaux sur cette problématique qui
concerne pourtant directement le continent. Que dire aussi des
autorités africaines qui laissent des ONG étrangères venir
dicter la loi sur leur territoire ? Quel pays occidental
accepterait une telle situation. Rappelons enfin que beaucoup
d’étudiants d’école de commerce ont compris les nouveaux
débouchés de ce business « équitable ». Ils créent de plus en
plus de PME dans ce domaine.
Etudiants africains, on
vous attend. On peut saluer au passage les créateurs de la
marque Kemet qui contribue à la mise en valeur du continent
par les jeunes africains. Le Dr Paul K. Fokam dans son
livre Et si l'Afrique se réveillait ? met en avant le
travail comme moyen de libération. Alors jeunes africains qui
souhaitent se libérer, le commerce des produits africains ne
sera équitable que le jour où les africains fixeraient eux
même leurs prix et mettront sur le marché des produits finis à
forte valeur ajouté comme la Chine en ce moment. Il faut donc
travailler comme l’avait chanté Princesse Erika.
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